Comme souvent, j’ai sorti par hasard un livre d’ un des rayons de ma bibliothèque . Je venais d’en ranger un autre - à la place aléatoire qui est censée être la sienne – et il se tenait là , tout proche , attendant que je le remarque .
Il s’agit de « Le seuil du jardin » d’André Hardellet , un auteur injustement oublié (mais cela importe peu finalement) dont , autrefois , j’avais passionnément collectionné tous les livres, parce qu’ils m’envoutaient singulièrement .
Je ne me souviens plus du tout de quoi « parle » ce livre . Ni des thèmes qu’il aborde, des personnages qu’il fait vivre (il s’agit d’un petit roman) . Je me rappelle cependant très bien d’une « musique » , très particulière , la musique d’Hardellet .
L’illustration de couverture me plait beaucoup , je reconnais bien sur un tableau de Magritte. En bas de 4eme de couv je découvre que le titre de cette œuvre est « la condition humaine » , cela me trouble beaucoup . Je ne cherche pas à « comprendre » pourquoi Magritte a choisi ce titre , mais , le texte de 4eme de couv étant signé d’ Andre Breton , je me souviens alors de cette injonction : « lachez la proie pour l’ombre » . Je trouve – pourquoi ? – que la toile de Magritte aurait pu avoir ce titre .
A ce stade de dérive mentale ne m’étonne absolument pas que , feuilletant le roman d’Hardellet , mon attention soit retenue par un passage qu’e j’avais souligné autrefois lors d’une lecture (la première, qui sait ? ) :
Vous déplacez le problème . Un homme que vous admire , je présume , a dit qu’il y avait une réalité rugueuse à étreindre …
Masson l’interrompit :
Ne parlez pas trop de Rimbaud, s’il vous plaît.
- Pourquoi pas ? je l’ai lu , comme vous autrefois. En ce moment des millions d’hommes crèvent de faim , cherchent un logement, élèvent leur famille. Ils ne réclament que le droit de vivre, de vivre sans rêver car le rêve est un luxe. Et ils se battent contre la réalité rugueuse, eux .
(Le seuil du jardin – Livre de poche 1977 – page 112)
Je vais me reservir une autre tasse de café . Le ciel , ce matin , est gris , après plusieurs jours de « grand beau temps » . Il semble même qu’il devrait pleuvoir . Je ne travaillerai sans doute pas aujourd’hui dans le jardin . Cela est sans doute préférable d’ailleurs , je crois bien avoir chopé une tendinite : poignet, coude et épaule droite sont assez douloureux .
Cette question qui me vient à l’esprit : y a-t-il vraiment plus de « réalité rugueuse » dans les pierres que j’ai déterrées ces derniers jours que dans les pages d’Hardellet ou dans la toile de Magritte ?
8 commentaires:
"la réalité rugueuse" tout à fait et granuleux comme une bande de bitume vieillie un goudron passé, debout sur le bleu.
Pourquoi voilà instaurer une hiérarchie dans la réalité ? Qu’elle soit cailloux, mots ou peinture, elle est la lutte.
Si nous ne crevons pas de faim, si nous avons un toit, et de quoi élever nos bambins, notre confrontation à la pierre, au mot ou à la toile n’est jamais un luxe : elle est aussi notre nécessité. Celle de nous sentir vivre.
Sinon, nous faisons de la décoration ou du commerce. Pas un chemin de vie. Aussi rugueuse soit-elle.
« Je ne comprends pas comment un homme vraiment heureux pourrait avoir envie de faire de l’Art. : si nous avions la vie, nous n’aurions plus besoin d’Art. Quand le présent ne nous offre plus rien, nous crions par l’œuvre d’Art : je voudrais. »*
Comment imaginer une création sans la difficulté ? Ta tendinite en est une image. Les affres que rencontrent l’écrivain et le peintre luttant pour la création le sont de même.
Sans elles, sans ses affres, sans cette douleur, aurions-nous conscience de la réalité, de NOTRE réalité ?
*Richard WAGNER
Arthémisia, vivante !
salut seb
oui oui granuleuse , la réalité , forcément granuleuse (et des fois c'est gros grain ! )
Les affres que rencontrent l’écrivain et le peintre luttant pour la création : ça , ça n'est pas ma tasse de café ! vision de la création très "marquée" par le christianisme : "tu créeras dans la douleur" .On peut "créer" dans la joie, l'insouciance , la facilité, le laisser-aller , le lacher-prise . La mythologie du "créateur" torturé par sa création est assez hautaine je trouve , aristocratique : regardez comme c'est dur , c'est pas fait pour n'importe qui , faut être drôlement costaud !
Je préfère ce que disait Kerouac : "tape à la machine des pages frénétiques, pour ta seule joie"
une joie assez proche pourtant de celle de l'accouchement....
sorry d'être one more time "contrariant" , mais j'ai toujours détesté la comparaison "oeuvre d'art/écrire etc" et "accouchement" :
je brûle tous les musées et toutes les bibliothèques et tous les poèmes (à commencer par les miens ) pour le cri d'un nourrisson (à commencer par ceux que poussèrent les miens)
Tu es un homme....!
Et j'ai accouché par césarienne!
avant l'accouchement...le plaisir :
"...La vie créatrice est si près de la vie sexuelle,
de ses souffrances, de ses voluptés,
qu'il n'y faut voir que deux formes
d'un seul et même besoin,
d'une seule et même jouissance. "
Rainer Maria RILKE - Lettres à un jeune poète.
en tête de mon blog....
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